Un hurlement déchire la nuit... La lune, pleine et menaçante, envoie ses pâles rayons éclairer un château en ruines sur la colline... La Brume commence à se déplacer, et dévorer tout sur son passage... Bienvenue dans les Rivages du Cauchemar !
Les Rivages du Cauchemar ont plusieurs visages très différents. Généralement, ils peuvent se classer dans un des trois groupes suivants :
— Le Piège. C’est, apparemment, un Rivage du Rêve tout ce qu’il y a de plus normal. Mais au fur et à mesure que l’on y passe du temps, les choses virent au cauchemar. Il est alors souvent trop tard pour ceux qui se retrouvent piégés dans un tel Rivage...
— Le Cauchemar Brut. Tout y est cauchemardesque : l’ambiance est horrifique, des monstres rôdent, les paysages sont corrompus, etc. La nausée et la folie guettent les Arpenteurs égarés dans de tels Rivages.
— Les Frontières. Situées à mi-chemin d’Ivoire et d’Ébène, ce sont souvent des Rivages divisés en deux parties. On peut y passer du rêve au cauchemar sans aucune transition. Mais le passage est beaucoup plus aisé dans le sens Rêve-Cauchemar que dans le sens Cauchemar-Rêve...
Les personnes qui commettent des actes délibérément mauvais deviennent petit à petit des Enfants du Cauchemar. Ils deviennent plus sombres, leurs traits plus cruels, et une lueur maléfique s’allume dans leur œil. Beaucoup acquièrent des Éclats et des Traits cauchemardesques (faire pourrir la nourriture, rendre l’eau non potable, ou bien le PJ n’a plus besoin de respirer, a des crocs qui lui poussent, etc.). Ils peuvent de moins en moins retenir leurs pulsions les plus horribles, et le meurtre succède inévitablement à la colère...
Tout dépend pour cela du Karma — un terme qui ne correspond pas à l’idée de réincarnation, mais qui désigne, comme son étymologie l’indique (« action »), la répercussion des actions (mais aussi des croyances, comme nous allons le voir) des personnages sur leur être physique et psychique.
Dans le monde d’Ivoire, le Karma n’a aucune répercussion physique sur les individus. Il ne fait que conforter quelqu’un dans ce qu’il est — un mauvais Karma indique une poisse horrible, une vague impression négative qui entoure une personne, un déséquilibre, etc. Un bon Karma indique une personne radieuse, équilibrée, à qui tout sourit.
Par contre, sur les terres du Cauchemar, le mauvais Karma (le bon Karma n’a que peu d’influence de ce côté-là du Songe) modifie souvent l’apparence physique des êtres déséquilibrés.
Beaucoup de Rivages du Cauchemar présentent un environnement noir et corrompu, mais d’autres sont beaucoup plus insidieux, et sont d’autant plus dangereux pour l’Arpenteur des Brumes égaré.
Il existe ainsi de magnifiques paysages dans les Rivages d’Ébène également, même si au fond ces lieux sont ténébreux...
En termes de jeu... Il est conseillé d’insister sur les différents éléments qui découlent du Cauchemar sur l’esprit des personnages. Selon les situations et les Rivages, incitez les joueurs à simuler la réaction de leur personnage selon ce qu’ils pensent être le plus juste. Cela peut aller du simple écœurement à l’état de choc, en passant par la peur panique. Pensez aussi aux conséquences futures de l’événement déclencheur (obsession, paranoïa, aversion, phobie, voire rage destructrice en présence d’un élément rappelant l’événement). Là encore, le roleplay prime. Souvenez-vous que les Rivages du Cauchemar pervertissent l’esprit et le rendent plus sensible à l'horreur. Un être difforme rencontré dans les Rivages d’Ivoire ne provoquera pas la même réaction que le même être rencontré dans les Rivages d’Ébène ! |
Tout héros a besoin d’un ennemi, d’un adversaire à affronter qui soit digne de lui. L’adversaire des Arpenteurs est à leur mesure, et à la mesure du Songe entier. Car l’Ennemi est Egnos lui-même — ou tout du moins, la part sombre qui est en lui. Pulsions, méchanceté, cruauté, désirs pervers, tout un ensemble négatif rejeté dans l’inconscient, mais qui refait surface dans les terres du Cauchemar...
L’Ennemi peut revêtir n’importe quelle forme : personnage, animal, objet, Rivage, etc. Toutefois, il se matérialise le plus souvent sous l’apparence d’un homme maigre, de grande taille, tout de noir vêtu, au visage profondément enfoui sous un large tricorne noir, et au corps entièrement dissimulé sous un long manteau.
L’Ennemi a un seul but : pervertir les héros du Songe afin que les terres du Cauchemar envahissent les Rivages d’Ivoire ; en un mot, pour pervertir Egnos, en faisant rejaillir le Mal (refoulé dans l’inconscient) à la conscience — c’est-à-dire sur les Rivages du Rêve. Il n’a donc aucun intérêt à tuer les PJ ! À cette fin, les pouvoirs de corruption de l’Ennemi sont très étendus. La cour Unseelie lui appartient déjà (il manipule la reine Titania, corrompue depuis des centaines d’années), et nombreux sont les Arpenteurs à avoir basculé dans son camp. Il agit toujours de manière insidieuse, tentatrice, et évite toute confrontation directe. Le tuer (acte quasi impossible) signifierait éradiquer les terres du Cauchemar à plus ou moins court terme. Mais il se trouverait bien encore un Arpenteur corrompu pour reprendre le flambeau, et devenir le nouvel Ennemi... |
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Les scénarios dans les Terres du Cauchemar seront, souvent, des scénarios de pure horreur. L’épouvante peut être créée de manières bien différentes... Tout d’abord, pensez bien au fait que les personnages sont à l’intérieur d’un cauchemar : jouez sur leur perception du temps et de l’espace à outrance (ils étaient enfin en sécurité ? Une sensation de vertige, et les voilà en train de tomber dans un puits immense, avant de se retrouver soudain, sans transition, debout devant un paysage monstrueux). Accumulez les détails horrifiques en altérant leur monde familier (décors devenant maléfiques, animaux domestiques qui se transforment imperceptiblement, amis devenant diaboliques, etc.). Ce qu’il faut avant tout, c’est que les personnages ne comprennent pas la situation dans laquelle ils se trouvent, et pourquoi le monde agit comme cela (même s’il peut y avoir une explication par la suite : quelqu’un peut, par exemple, les manipuler). Ils doivent se trouver dans une position d’impuissance face aux événements et aux créatures hostiles qu’ils rencontrent. Les isoler dans un lieu retiré, voire les uns des autres, augmentera leur peur.
Instillez une atmosphère horrifique dans le scénario. Étrangers inquiétants, pluie fine, ténèbres, nuit, monstres qui rôdent, tout cela permet de donner du corps au Cauchemar. Si vous décrivez des atrocités, restez dans le flou : rien ne fait moins peur qu’un monstre décrit chirurgicalement (la rencontre avec de telles créatures doit être brève pour conserver le sentiment de peur). Et comme on dit : le pire des monstres, c’est l’être humain. Exploitez les noirceurs de l’âme humaine, et confrontez-la à la noirceur de celle des personnages. Faites ressortir leurs angoisses les plus profondes, mais aussi leurs instincts les plus bas. Le but de l’Ennemi est de les pervertir !
Portez une attention toute particulière aux réactions des personnages face à leurs peurs. Certains s’évanouiront, d’autres deviendront complètement hystériques. Certains ne feront qu’éprouver un tremblement nerveux, d’autres s’enfuiront en courant. Rappelez-vous bien que le but du Cauchemar n’est PAS de tuer les personnages (mais cela, ils ne le savent pas) — au contraire, il vaut bien mieux les laisser en vie et jouer avec eux pour alimenter les Terres d’Ébène...
Enfin, l’ambiance compte pour beaucoup dans l’effet produit. Jouer dans une pièce très bien éclairée, bien chauffée a quand même un autre effet sur les joueurs qu’une partie se passant dans la pénombre, dans une pièce où il fait un peu froid... Ne négligez donc pas le lieu où vous jouerez. De même, une musique angoissante peu ajouter du sel à la partie, tout comme certains bruitages (tonnerre, bruit du vent, etc.).
Les Terres du Cauchemar d’Insomnia sont le royaume de l’humour noir et grinçant, des blagues horribles. Les scénarios de ce genre sont assez délicats à jouer, car ils reposent à la fois sur l’horreur et sur l’humour. Un des bons moyens pour réussir vos parties, c’est de faire intervenir les monstres et créatures de la nuit, mais cette fois, de manière active. Si les monstres peuvent parler et discuter de leurs ennuis avec les personnages, le processus de peur est un peu désamorcé — mais vous pourrez toujours y revenir en cours de jeu, lorsque le monstre parlera aux personnages tout en grignotant une de leurs anciennes connaissances... |
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Le gore se prête plutôt bien à cet univers, car il est très grand-guignolesque. Revoyez les films de genre (cf. encadré), et inspirez-vous d’eux : il n’y a pas meilleur moyen pour bien maîtriser une partie dans le Cauchemar Insomniaque !