L'Antilégende est un roman de Fabien Clavel sorti en mai dernier, et dont voici le résumé de quatrième de couverture :

Don Juan est accusé de meurtre ! Une à une, les femmes qu'il a séduites sont retrouvées mortes, le coeur arraché, et une étrange escouade de spadassins noirs est lancée à ses trousses. Le séducteur légendaire clame son innocence... Mais que s'est-il passé entre le moment où la statue du Commandeur l'a entraîné aux enfers et sa réapparition à Séville ? Il n'en conserve pas le moindre souvenir. Pire encore, il ne parvient même pas à se remémorer l'identité de ses conquêtes passées...
Accompagné de son valet et de la blonde et sulfureuse Manon Lescaut, il part à la recherche de la clé du mystère à travers une Europe étrangement transformée. Mais un inquiétant personnage au masque de fer semble l'avoir devancé...


J'avoue avoir été assez déçu par ce roman, qui me semblait ma foi fort alléchant.

Utilisant à outrance le principe de l'intertextualité (en réutilisant des personnages inventés par d'autres auteurs), Fabien Clavel met en scène toute une horde de personnages de papier célèbres : Sganarelle, d'Artagnan et les Trois Mousquetaires, Cyrano de Bergerac, Mozart, Descartes, Gulliver, le Capitaine Fracasse, Manon Lescaut, Don Quichotte, l'Homme au masque de fer, Pinocchio, le baron de Münchhausen, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, Milady, Casanova, et j'en passe... Malheureusement, tous ces personnages n'ont aucune réelle présence et sont plutôt creux. Il s'agit presque exclusivement de personnages-décors, n'ayant que peu de rôle dans l'histoire, et ayant une psychologie peu développée, même s'ils sont en tous points conformes à leur roman d'origine. Ils ne font que passer, bien souvent pour faire une simple apparition...
De plus, le "héros" (si l'on peut dire, puisque Don Juan est une "antilégende") traverse comme dans un rêve lieux et époques, sans toutefois s'étonner ni changer en quoi que ce soit. Même lorsqu'il découvrira sa vraie nature et celle du monde dans lequelle il vit, il refusera d'y prêter attention et continuera à se comporter comme il l'a toujours fait. Dans le roman, il ne fait rien d'autre que de séduire des femmes pour les ajouter à sa liste, tenue par son fidèle Sganarelle. Il n'évolue pas, ce qui fait que le lecteur a vraiment du mal à aimer ce personnage, et même à suivre ses aventures, puisqu'il subit des événements tout le long du livre, passant d'un lieu à l'autre, de rencontre en rencontre, sans prendre son destin en main.
Certes, Clavel possède son sujet : ses références littéraires sont solides, et son écriture est fluide (malgré quelques rares maladresses de style ou de cohérence). Toutefois, je me suis plutôt ennuyé en lisant ce roman. Les chapitres s'enchaînent mécaniquement, sans réel enjeu. Dommage, car le sujet aurait mérité d'être plus développé, dans un projet plus ambitieux...

Spoiler : si vous voulez lire le roman, ne lisez pas les lignes qui suivent...

Don Juan évolue en fait dans l'Index, un monde où se retrouvent tous les personnages célèbres des romans de la littérature mondiale. Il va apprendre qu'il n'est qu'un personnage, inventé par un Auteur...
Le concept est assez intéressant, même si déjà exploité par d'autres écrivains. Là où Fabien Clavel pêche, c'est qu'il ne va pas assez loin dans l'utilisation de celui-ci. Don Juan apprend à la moitié du roman ce qu'il est et où il se trouve, mais ne va pas chercher quel est son Auteur, ni tenter de faire quelque chose pour changer sa condition (il ne croit d'ailleurs pas à la notion d'Auteur). De plus, il n'y a pas d'intervention de Fabien Clavel lui-même en tant qu'Auteur : je trouve que c'est se priver là d'une piste intéressante pour son roman...

Le roman peut cependant constituer une bonne source d'inspiration pour Songe. Après tout, l'Index est un monde onirique, fonctionnant selon les principes du rêve (celui de condensation, de l'espace-temps, principalement). Et les très nombreux personnages littéraires dans ce roman font des Fragments tous trouvés...

L'Antilégende