Mary Gentle, l'auteur, se présente en introduction du roman comme la "traductrice" d'un manuscrit retrouvé par hasard et dont certaines pages ont été brûlées (se plaçant ainsi volontairement dans la lignée d'Alexandre Dumas, ses Trois Mousquetaires ayant bénéficié d'une introduction similaire...). Ce manuscrit serait les Mémoires d'un certain Rochefort (le lien avec Dumas est là encore plus qu'explicite), qui aurait été l'homme de main de Sully...
Ce Rochefort, qui a permis de faire échouer d'innombrables complots contre Henri IV, va se se retrouver dès les premières pages mêlé à une conspiration orchestrée par Marie de Médicis, qui veut l'obliger à assassiner le roi. Rochefort voudra faire échouer la tentative, mais hélas, Ravaillac parviendra à commettre le régicide... Pour ne pas faire accuser Sully, Rochefort va devoir s'enfuir de France.

Le roman débute donc sous de bons auspices, et annonce une aventure de cape et d'épée palpitante. Hélas, au bout d'une cinquantaine de pages seulement, le roman se transforme radicalement. Rochefort va devenir obsédé par un jeune adolescent de 15 ans, au point qu'il le sodomisera et que ce dernier devra l'accompagner dans sa fuite. Vous avez bien lu. Mary Gentle a écrit sous un pseudonyme des livres érotiques peu avant de s'attaquer à ce roman, et visiblement, elle n'a pas pu se débarrasser de ses travers. Toute la première partie du roman est plombée (et je pèse mes mots) par l'obsession homosexuelle de Rochefort, ses érections innombrables, et un vocabulaire très cru. Comment croire à l'authenticité de prétendus "Mémoires" datant du XVII° siècle avec un tel vocabulaire et un tel sujet ? Il faudra attendre Rousseau et ses Confessions pour qu'un auteur évoque le sujet du plaisir dans une autobiographie (voir l'épisode de la fessée), et avant lui, personne n'aurait fait une telle chose, surtout en ces termes crus ! Il s'agit d'une très grosse maladresse d'écrivain, et j'ai dû me forcer à lire la suite...

Heureusement, l'histoire devient après des centaines de pages (un peu) plus intéressante et un peu moins portée sur l'obsession du personnage principal. Rochefort se retrouve en Angleterre, où un certain Robert Fludd lui demande... d'assassiner Jacques Stuart. Là où cela est plus surprenant, c'est que Fludd utilise les "métamathématiques", les "arts noirs des mathématiques", pour lire l'avenir. Il a ainsi prévu l'arrivée de Rochefort, et le rôle qu'il aurait à jouer; son but est d'influencer l'Histoire de l'humanité, car il peut la prédire à 500 ans de distance.
Néanmoins, il est difficile de croire en ces métamathématiques. Certes, Fludd peut prévoir des choses précises (noms, lieux, dates...) rien qu'avec ses calculs. Pourquoi pas. Mais cela confine au ridicule lorsqu'il arrive à calculer des années à l'avance le moindre geste d'un homme. Ainsi, il se bat en duel avec Rochefort... mais il connaît tous les coups qu'il va porter pour pouvoir les esquiver, alors qu'il reconnaît ne pas savoir se battre ! Difficile à avaler (comment calculer mathématiquement tous les coups d'un duelliste que l'on ne connaît pas, quand en plus on ne connaît pas l'escrime ?), surtout quand on lit plus loin que le hasard reste présent dans beaucoup de calculs... Mary Gentle aurait mieux fait selon moi d'assumer totalement son côté fantastique et d'utiliser un autre moyen de prescience que ces mathématiques magiques.

L'énigme du cadran solaire repose sur une trame qui n'est si mal que ça à la base (les complots, le côté prophétique, etc.), mais il est gâché par de très nombreux défauts. Outre ceux que j'ai déjà cités, il y en a bien d'autres. Ainsi, Rochefort, présenté initialement comme un espion et un duelliste hors pair, n'est dans ce roman qu'un homme pitoyable, qui ne réussit rien à part se faire assommer et doubler sans cesse, qui perd tous ses duels (contre un adolescent, une jeune femme, un homme inexpérimenté...) et pire - qui cherche l'humiliation de la défaite, car cela lui donne des érections ! Le personnage principal est donc difficilement supportable. Ajoutez à cela qu'il croise la route - chose très improbable quand même - d'un samouraï égaré, ambassadeur du Japon qui l'accompagnera partout sans réel rôle narratif (sauf pour la toute dernière partie du roman, puisqu'il s'emparera de Fludd pour éviter au Japon un désastre nucléaire au XX° siècle), et jugez par vous-même...

Non, Mary Gentle ne se hisse pas "à la hauteur d'Umberto Eco et d'Arturo Pérez-Reverte" comme le claironne la quatrième de couverture. Loin, bien loin de là...

À noter aussi que lire ce roman revient en France à une véritable petite fortune (il est publié en deux tomes, le tout pour 51 euros... contre un seul tome et 15 dollars seulement pour la version originale !). J'ai personnellement très vite revendu mes exemplaires après avoir bien regretté mon achat... Un livre réservé à un public très averti, donc...

Un article de Libération et une interview de l'auteur sur le même site.

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L'énigme du cadran solaire